Au fil des pages avec Femme pour moitié

J’ai lu, le mois dernier, pour une lecture commune avec Hilde et Jostein dans le cadre des Étapes Indiennes, Femme pour moitié de Perumal Murugan (éd. Gallimard, janvier 2025, 224 pages), un court roman paru pour la première fois en 2010  et se déroulant dans un village modeste du Tamil Nadu, dans le Sud de l’Inde, au sein d’un couple de paysans sans enfants, dans les années 40. Kali et Ponna, respectivement âgés de 30 et 28 sont mariés depuis 12 ans mais n’ont jamais pu devenir parents. L’amour qui les unit sera-t-il suffisamment fort face à la pression sociétale et familiale d’avoir une descendance? Las de subir, au quotidien, les moqueries, médisances et humiliations de leur entourage, ils multiplient les offrandes, rituels comme le dangereux tour de la Pierre Stérile pour mettre fin aux superstitions, malédictions et commérages… Mais doivent-ils suivre les derniers conseils en date de leur famille incitant la jeune femme à se rendre au festival en l’honneur d’Ardhanarishvara, dieu à demi-femme au cours duquel les conventions sociales sont abolies? Ou au contraire, seront-ils capable de suivre l’exemple de l’oncle de Kali, Nallaiyam, désormais âgé et toujours célibataire, qui a fait fi des ragots et de sa mise à l’écart du fait de son choix de vie?

Il y est ainsi question de l’infertilité au sein du couple, du poids des mœurs, de la religion et des coutumes dans l’Inde rurale à avoir une descendance, d’héritage, de répudiation de la femme ou d’adoption… L’auteur nous offre surtout le point de vue du mari, Kali et de ses questionnements sur leur impossibilité à concevoir un enfant (cela viendrait-il de lui ou de Ponna?), sur son mariage alors qu’il a choisi une femme qu’il a toujours aimée et qu’il désire toujours autant après des années de mariage (pourrait-il la répudier et vivre sans elle ou en prenant une seconde épouse?). Pourquoi ce couple ne pourrait-il pas être heureux sans enfants?

La vie simple de ce couple contraste avec la dureté du regard critique de leur entourage, leur colère et impuissance se reflétant dans un langage parfois cru et grossier qui contraste avec des passages plus poétiques de leur routine quotidienne, rurale et au cœur d’une Nature apaisante, auprès des animaux de la ferme et nous plongeant dans leur intimité. Au fil des des stigmatisations successives, le couple se fissure et le drame semble inéluctable tant la pression des traditions pèse sur ce couple sans enfants. Un bon moment de lecture dramatique et émouvant, construit comme une fable et abordant un thème universel et tabou qui a valu, pour l’auteur, des menaces de mort et son retrait de la vie littéraire, pendant plusieurs années! Même dans notre société actuelle, le regard porté sur les célibataires ou les couples sans enfants reste malheureusement tout aussi intrusif, blessant voire oppressant. 

J’ai également noté quelques passages gourmands accompagnés ou non d’alcool (comme des bouteilles d’arack ou du vin de palme) comme par exemple « des kachayam à la farine de riz et des pakkoda épicés », « du curry aux lentilles et beignets aux piments », « du puttu bien chaud dans une assiette de feuilles. Quatre gros tronçons, avec un curry de légumes »… 

Pour d’autres avis sur ce roman: Hilde et Jostein.

Participation # Challenge Les Étapes Indiennes 2025 de Hilde #LC

Participation # Challenge Contes & Légendes 2025 de Bidib #Hindouisme

Participation # Challenge Des livres (et des écrans) en cuisine 2025 de Bidib et Fondant #Cuisine indienne

Participation # (Parcours littéraire) Challenge Le tour du monde en 80 livres 2025 de Bidib #Inde

8 Comments

  1. Nathalie

    En France aussi la pression est dure (même si sûrement beaucoup moins qu’en Inde) pour ceux qui ne peuvent avoir des enfants (ou pour ceux qui n’en veulent pas !)
    Un livre qui à l’air très intéressant

    • Jojo

      Oui c’est ce que je me suis dit en le lisant, peut-être auras-tu l’occasion de lire aussi, bonne soirée!

  2. Jostein

    Merci pour cette lecture commune.
    J’ai été très touchée par ce couple. Leur amour est si beau. Difficile de se libérer de la pression de la société. Mais il y a aussi au fond d’eux-mêmes ce désir d’enfant.
    Le style est effectivement très simple et pur comme pour un conte. Et j’aime quand l’environnement du pays est aussi bien marqué. Avec les rites mais aussi la cuisine.

    • Jojo

      oui, un couple touchant, il est déjà bien difficile de ne pas voir son désir d’enfant se concrétiser et qui peut imploser un couple, sans avoir besoin d’avoir ce regard intrusif et pesant, que ce soit un désir propre ou un désir de conformité aux autres également pour éviter l’exclusion familiale ou sociale

  3. Hilde

    Quelle tristesse pour ce couple ! Je partage ton avis, pourquoi ne pourraient-ils pas être heureux sans enfant…
    Bien que ce ne soit pas toujours facile dans notre pays, difficile d’éviter certains jugements et comportements intrusifs, il n’y a heureusement pas autant de pression qu’en Inde.
    C’est vrai que certains passages sont assez crus et grossiers, mais je n’ai pas été vraiment gênée.
    Il y a de beaux passages aussi mais j’avais la gorge un peu trop nouée pour vraiment apprécier.
    Enfin, ce qui m’attriste aussi, ce sont ces auteurs indiens, menacés, assassinés, par des groupuscules religieux proches du pouvoir en place. Difficile de finir sur une note positive… Ah si, j’ai aimé pouvoir imaginer la fin alternative proposée par Laurent.
    Merci pour cette lecture commune Jojo ! 🙂

    • Jojo

      Même ressenti, je me demandais bien comment cela pouvait ne pas bien se terminer pour ce couple, dommage que cette fin alternative évoquée par Laurent ne soit pas traduite en français

  4. Virginie Vertigo

    J’ai une grand méconnaissance de la littérature de l’Inde. Je me note ce titre.

    • Jojo

      Je suis allée voir ton blog et je pense que ce roman peut être une première approche de la littérature indienne vu tes retours de lecture, bonne semaine!

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