Étiquette : folie

Au fil des pages avec Hiver à l’Opéra

Le mois dernier, j’ai lu Hiver à l’Opéra de Philippe Pelaez et Alexis Chabert (éd. Grand Angle, octobre 2023, 72 pages), une BD adulte consultable en ligne grâce à ma médiathèque et qui se passe quelques temps après les faits d’Automne en baie de Somme avec une nouvelle enquête, en février 1897, à Paris, d’Amaury Broyan inspecteur désormais révoqué de la police. Mais l’est-il réellement? Présent lors d’une représentation de la Damnation de Faust à l’Opéra Garnier, il assiste au crime du colonel Tréveaux, chargé de la sécurité du président Faure et se lance à la poursuite de la coupable.  L’inspecteur a-t-il vraiment sombré dans le désespoir et la vengeance depuis le meurtre de sa fille Florine en se rapprochant de groupuscules nationalistes?

Ce nouveau tome mêle enquête policière, complots politiques au cœur de la IIIe République avec une immersion dans les milieux populistes et d’extrême-droite mais aussi spiritisme et hypnose, tout en se réappropriant Le Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux (1910) – petit clin d’œil au Challenge 2024 sera classique aussi de Nathalie. D’ailleurs, à la place des extraits de Nelly Roussel du premier tome, on trouve cette fois un extrait de Gaston Leroux puis de Victor Hugo, adepte du spiritisme et qui a participé à des tables parlantes afin de rentrer en contact avec l’esprit de sa fille Léopoldine, ne s’étant pas remis de son décès, à l’instar de l’inspecteur qui tente d’oublier dans l’opium. Il y est ainsi aussi question de deuil et de folie.

Un bon moment de lecture avec ce tome 2 même si j’ai préféré le tome précédent qui m’avait bien plu surprise pour son ambiance noire et un brin immorale! Nous retrouvons cette ambiance ici, l’inspecteur étant toujours aussi sombre, mais cette fois dans un décor hivernal et un brin fantomatique et paranormal, la folie n’étant jamais loin. Cela ressort de la mise en page dynamique et parfois en abîme des planches de dessin d’Alexis Chabert. Je me  suis même habituée aux traits un peu grossier des personnages tout en appréciant les décors parisien de la Belle-Époque et l’influence d’Alfons Mucha et d’Edgar Degas. Si un tome 3 venait à paraître (sur le printemps?), je n’hésiterai pas à le lire.

Challenge Petit Bac d’Enna #2 Catégorie Lieu: « Opéra »

Participation#5 Challenge 2024 sera classique aussi! de Nathalie

Au fil des pages avec Après l’océan

J’ai lu, en e-book, Après l’océan de Laurence Peyrin (éd. De l’épée, avril 2022, 346 pages), un roman historique qui suit la vie fictive de deux sœurs rescapées du Titanic. En avril 1912, Letta Alistair Keegan, âgée de 24 ans et sa jeune sœur, Molly, surnommée Le P’tit Chou et âgée de 15 ans ont survécu, comme passagères de deuxième classe, au naufrage de Titanic. Les deux sœurs ont tout perdu, leur famille et leur argent. Letta, désormais veuve, tente de survivre dans New York, cette ville qu’elle n’apprécie guère et qui ressemble si peu à ce qu’elle a connu à Portsmouth et d’aider Molly qui, depuis le drame, est plongée dans un profond mutisme au point d’être considérée comme folle. Parviendront-elles à faire leur deuil et se remettre d’une si éprouvante épreuve? Et si New York était finalement le lieu de tous les possibles?

J’ai apprécié l’idée de départ de mélanger la petite histoire fictive dans la Grande Histoire même si j’ai trouvé le rythme inégal, tout s’enchaînant très rapidement dans la première partie pour ensuite ralentir et se concentrer sur le sort de Molly, lorsque celle-ci est enfermée à Blackwell. L’intrigue s’est révélée un peu trop convenue et avec des facilités scénaristiques, même si partant d’un fait historique dramatique, elle finit sur une note d’espoir. En effet, une fois installée avec sa sœur dans un hôtel huppé de New York, Letta enchaîne les rencontres, que ce soit la gouvernante de l’hôtel, Dorothy Woodford qui fournit du laudanum à Molly et qui permet à Letta d’avoir un emploi dans une prestigieuse pharmacie-apothicaire, C.O. Bigelow, Anthony Collins, un journaliste travaillant au New York Times et à qui elle raconte son histoire pour 40 dollars ou bien encore sa collègue de travail et ancien médecin qui a perdu une jambe après un accident de tramway, Natalie et son frère cadet Jacob, cette dernière étant de bons conseils et une aide amicale précieuse pour aider Letta à faire sortir Molly…  

Il y est ainsi question du traitement des rescapés du naufrage, de voyeurisme, du rôle de la presse dans la couverture médiatique du naufrage, de la condition de la femme, d’inégalités sociales, du stress post-traumatique, du traitement des maladies mentales au début du XXe siècle avec l’utilisation de laudanum ou des écrits de Nellie Bly, journaliste d’investigation, de résilience, de seconde chance, d’amitié et d’amour, d’entraide… Un bon moment de lecture dans l’ensemble!

J’ai enfin noté de nombreux passages gourmands, la famille de Letta ayant tout quitté en Angleterre pour ouvrir une nouvelle boulangerie à New York, un riche américain, Charles Newton III ayant assuré au père de Letta qu’il ferait fortune avec ses tourtes. Il y a les plats sur le pouce pris dans les rues new-yorkaises comme les hot-dogs, les recettes de tourtes (salées ou sucrées comme les apple pies, charlotte aux fraises)  de la famille Alistair ou les plats russes de Natalie comme des pirojkis (p.197/199)…

Challenge Petit Bac d’Enna #6 Catégorie Paysage: « Océan »

Participation # Challenge Des livres (et des écrans) en cuisine 2023 de Bidib et Fondant #Cuisine anglaise, américaine et russe

Au fil des pages avec Les Terriens

En novembre 2021, j’avais lu Les Terriens de Sayaka Murata (éd. Denoël, 2021, 242 pages), un roman japonais bien plus sombre et noir que ne le laisse supposer le hérisson tout mignon de la couverture. Je retrouve dès les premières pages le style et les préoccupations sociétales que l’autrice avait déjà abordées dans Konbini (le poids de la famille et de la société japonaise, le conformisme social, le bonheur…).

Natsuki, une jeune fille âgée de 10/11 ans se réfugie dans son monde imaginaire, avec pour seul ami sa peluche hérisson doté de pouvoirs magiques, Pyûto. Elle est une mahô shôjo (une magicienne pouvant jeter des sorts avec sa baguette magique pour sauver le monde comme Sailor Moon par exemple) pour affronter la maltraitance subie par sa mère qui la rabaisse et la frappe quotidiennement ou les viols subis par le professeur de ses cours privés. Comme chaque année, en été, pour le festival de l’O-Bon, elle retrouve chez ses grands-parents, dans la haute montagne d’Akishina, son cousin du même âge, Yû qui est lui aussi spécial qu’elle: il est un extraterrestre attendant le retour de son vaisseau spatial pour regagner sa planète, Pohapipinpobopia. Ils se font la promesse de survivre, quoi qu’il arrive.

De cette première partie, j’ai trouvé touchant et révoltant ce que subit Natsuki, enfant victime qui ne trouve aucun adulte ni ami pour l’aider au point de songer au suicide. Il m’est revenue en tête un principe d’éducation bienveillante selon lequel il ne faut pas coller d’étiquette à un enfant, Natsuki se déclarant la poubelle de sa famille ou bien encore Yû que sa mère suicidaire traite d’extraterrestre.

Comment se construire et survivre pour des enfants face à de telles violences (physiques, sexuelles, psychologiques)? Les deux cousins tentent de ne pas finir Terrien dans la grande Fabrique à humains où chaque adulte devient un outil en travaillant et/ou en procréant. Mais le soir des funérailles du grand-père, les deux cousins amoureux l’un de l’autre sont séparés par leur famille. 

Puis nous sommes projetés 23 ans plus tard, avec le retour de Natsuki avec son mari Tomoomi dans la maison familiale d’Akishina et ses retrouvailles avec son cousin Yû. Natsuki a fait un mariage arrangé avec Tomoomi (mariage sans sexe et sans enfants), ce que leurs parents respectifs découvrent et condamnent. Akishina sera-t-il comme autrefois une bulle salvatrice? A partir de ce moment-là, le roman bascule petit à petit dans la folie et l’horreur jusqu’au dégoût (tentative d’inceste, cannibalisme). Un roman étrange et dérangeant!

Participation #5 Un Mois au Japon 2022 d’Hilde et Lou #Roman

Participation #29 Challenge Le tour du monde en 80 livres de Bidib #Japon

Au fil des pages avec Les Hauts de Hurle-Vent

Je lis Les Hauts de Hurle-Vent d’Emily Brontë et illustré par Charlotte Gastaut (éd. L’école des loisirs, coll. Illustrés classiques, 2019), un roman jeunesse à partir de 13 ans et qui est une version abrégée du texte originel. J’avais déjà lu ce classique de la littérature anglo-saxonne paru en 1847 il y a plus de 15 ans, me rappelant le caractère cruel et vengeur de Heathcliff qui en devenant propriétaire des Hauts de Hurlevent en terrifie les occupants encore vivants, après avoir perdu son amour de jeunesse, Catherine.

La narration de l’histoire reprend celle originelle, la vie de Heatchcliff étant racontée par Mr. Lockwood, nouveau locataire de Thrushcross Grange qui la tient lui-même de la vieille femme de charge, Mrs. Hélène « Nelly » Dean ou d’autres domestiques des deux maisonnées. Le lecteur se sent aussi dépassé que Mr. Lockwood lorsqu’il fait la connaissance de Mr. Heatchcliff, un soir de tempête dans les landes et qu’il se méprend sur les personnes présentes dans l’inhospitalière demeure des Hauts de Hurlevent: la jeune femme n’est pas la femme de Heatchcliff mais sa belle-fille Catherine Linton et l’autre jeune homme n’est pas un domestique et encore moins son fils mais son neveu, Hariton Earnshaw. Et comme lui, nous apprenons petit à petit leur histoire emmêlée dans une noirceur étouffante.

Mais que s’est-il passé dans cette campagne anglaise, le destin de deux familles, celles des Earnshaw et des Linton étant effroyablement et inéluctablement lié? Les rares moments de gaieté sont vite rattrapés par la rancune, la folie ou la mort. Il y est question d’amour, de rivalités, de jalousie et de vengeance. Les naissances et les décès s’enchaînent et semblent arriver à point nommé pour permettre à Heatchcliff de réaliser sa terrible vengeance. Le texte est certes abrégé mais ne dénature pas la plume d’Emily Brontë dont c’était le premier et unique roman.

Nous repartons alors dans le passé avec l’arrivée de Mr. Earnshaw aux Hauts de Hurle-vent, revenant de Liverpool un soir d’été avec dans ses bras un jeune enfant d’environ 7 ans, mourant de faim, déguenillé et à l’allure d’un « bohémien » qu’il prénomme Heathcliff. Il l’élève comme son enfant, le préférant à son propre fils plus âgé, Hindley qui en devient jaloux et pour le plus grand plaisir de sa fille, Catherine du même âge que l’enfant recueilli.

Le taciturne Heatchcliff et l’effrontée Catherine, de caractère pourtant si semblable, sont très attachés l’un à l’autre au point qu’ils deviennent amoureux, s’échappant souvent du domaine des Hauts de Hurle-Vent pour gambader dans les landes ou observer leurs jeunes voisins de Thrushcross Grange, Edgar et Isabelle Linton. Cet amour passionné et fusionnel permet à Heatchcliff de ne pas sombrer et de supporter la vie austère qui l’attend depuis le décès de son père adoptif, Hindley le maltraitant sans cesse et le rabaissant à un statut encore plus bas et humiliant que domestique.

Puis les années passent, Catherine choisissant d’épouser Edgar Liton, un riche parti plutôt que Heathcliff avili. Ce dernier, le cœur brisé, s’enfuit et revient quelques mois plus tard plus déterminé que jamais pour anéantir les familles Earnshaw et Linton. Il veut la perte de Hindley pour la maltraitance subie, ce dernier étant devenu veuf, alcoolique et père d’un enfant qu’il délaisse, Hareton et celle d’Edgar pour son mariage avec Catherine. Il récupère à Hindley sa propriété, les Hauts de Hurle-Vent et plus tard, il se marie avec la naïve sœur d’Edgar Linton, Isabelle. 

Il entend ainsi assouvir sa vengeance en rabaissant Hareton de la même façon qu’il l’avait été par Hindley. D’héritier légitime des Hauts de Hurle-Vent, le jeune garçon devient en quelques années un docile domestique inculte. Puis, au décès de son épouse Isabelle qui avait réussi à s’échapper à Londres, il reprend son fils Linton à la santé fragile pour le marier avec sa cousine Cathy, la fille de Catherine morte en couches. Les trois cousins connaîtront-ils les mêmes tourments que leurs parents? Seront-ils à leur tour les funestes objets de Heathcliff dévoré par sa passion vengeresse?

Emily Brontë dépeint ainsi dans son roman une nature humaine bien mauvaise et sombre. Les différents personnages de son roman se font d’ailleurs écho dans une atmosphère oppressante, malgré des différences quant à leur personnalité ou éducation et qui permettront une fin apaisée et qui a été considérée comme audacieuse voire peu respectable des mœurs à la parution du roman. 

Les illustrations de Charlotte Gastaut, avec son coup de crayon si reconnaissable, sont magnifiques. Dans son choix des passages illustrés, l’illustratrice met surtout en avant les personnages féminins de l’histoire, Catherine, Isabelle et Cathy en proie à Heatchcliff. On y retrouve la lande anglaise, terre qui peut se révéler aussi dangereuse que le domaine des Hauts de Hurle-Vent et impétueuse que Heatchcliff. Les moments choisis illustrés se passent souvent le soir, sous couvert de la lumière de la lune. Il s’en dégage un aspect gothique également présent dans le texte d’Emily Brontë, notamment avec l’amour impossible et dévastateur entre Heathcliff et Catherine Earnshaw. Ces derniers forment en effet un couple maudit, le fantôme de Catherine hantant les Hauts de Hurle-Vent et les landes alentour autant que le cœur et l’âme tourmentée de Heathcliff. Une très jolie version du roman d’Emily Brontë!

Participation #16 Challenge A year in England pour les 10 ans du Mois Anglais de Lou, Titine et Cryssilda #Classique abrégé

challenge 2021 lire au féminin

Participation #32 au Challenge Lire au féminin de Tiphanya #Autrice britannique et illustratrice française

Participation #14 au Challenge 2021, cette année sera classique de Blandine et Nathalie #Classique abrégé et illustré

Au fil des pages avec Beloved

Pour cette journée « Lady First » du 4 septembre 2020 du Mois Américain, j’ai choisi Beloved de Toni Morrison (éd. 10/18, 1986, rééd. 2009), un roman ayant reçu le Prix Pulitzer Fiction en 1988. C’est l’histoire d’une ancienne esclave Sethe, hantée par son passé d’esclave au sein de la plantation du Bon-Abri, dans le Kentucky et par le fantôme de sa fille aînée Beloved décédée et qui tente de se reconstruire en femme libre avec sa fille cadette Denver en 1873 à Cincinnati, dans l’Ohio, quelques années après la Guerre de Sécession. Comment Sethe peut-elle se sentir libre et faire son deuil sans tomber dans la folie alors qu’elle a commis l’irréparable par amour pour ses enfants et qu’elle est traumatisée par des années d’esclavage?

Une lecture dense, poignante et faite de nombreux flash-backs dans le passé des protagonistes et de non-dits, l’autrice étant partie d’un fait divers d’infanticide survenu en 1856 pour dénoncer l’esclavagisme. L’autrice dévoile petit à petit au fil des pages le passé douloureux de Sethe et qui l’amènera à ce qu’elle est devenue en 1873, reprenant parfois un même évènement présenté plusieurs pages précédentes de façon laconique voire presque elliptique pour y revenir un peu plus loin avec un peu plus de détails soit sous les souvenirs de Sethe elle-même ou du point de vue d’autres protagonistes, comme par exemple celui de sa fuite du Bon-Abri.

Pour un autre avis sur ce roman: Enna (dans sa version audio).

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Le Mois Américain de Titine #First Ladies (auteure/féminisme/héroïne)

Challenge Petit Bac d’Enna #8 Catégorie Amour et relations amoureuses: « Beloved »

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